Entre soutien, résignation et inquiétudes : que pensent les habitant·es rencontré·es lors des débats mobiles dans un périmètre de 100 km autour du projet ?

Près de 500 personnes ont partagé leur avis sur le projet lors des 9 débats mobiles organisés par l’équipe du débat, dans l’Ain mais aussi les départements voisins du projet.

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Au cœur des marchés, sur les places ou à proximité des gares, le stand du débat, équipé d’un éventail de documents relatifs au projet, mais aussi des travaux des acteurs et du groupe citoyen, se remarquait de loin. L’équipe du débat était prête à informer et à écouter toutes les expressions sur le projet de nouveaux réacteurs nucléaires dans le Bugey. Il s’agissait de moments forts du débat, car cela a souvent été l’occasion d’aller vers des personnes qui ne participent pas facilement au débat public.

Une palette diversifiée d'arguments exprimés

Sur chacune des 9 communes investiguées, les personnes rencontrées ont partagé certains avis spécifiques sur le projet, comme par exemple :

A Avenières Veyrins-Thuellin (Isère), des discussions ont eu lieu sur l’opportunité du projet de nouveaux réacteurs dans le Bugey alors que pouvait être utilisé le site nucléaire de Creys-malville (superphénix) actuellement en démantèlement.

Sur le marché de Chambéry (Haute-Savoie), mais aussi dans d’autres communes, plusieurs personnes ont laissé transparaître un sentiment plutôt favorable au projet mais sous conditions, évoquant plus particulièrement la question des risques…

A Rumilly (Savoie), parmi la 60aine de personnes rencontrées, certaines ont considéré que les énergies renouvelables telles que l’éolien ne seraient pas suffisantes pour répondre à la demande croissante d’électricité, notamment avec l’électrification des transports et les centres de données liés à l’essor de l’intelligence artificielle. A ce propos, une interrogation a été formulée : 

« Peut-on récupérer la chaleur des centres de données (data centers) pour optimiser la production énergétique ? »

Lors du marché de la Plaine d'Oyonnax (Ain), des opposants au projet ont avancé la problématique de l’accumulation de la pollution industrielle due au Parc Industriel de la Plaine de l’Ain (PIPA). Un positionnement en faveur du développement des énergies renouvelables plutôt que du nucléaire s’est fait entendre. En outre, des participant·es se sont demandé : 

« Pourquoi produire plus d’électricité si une partie est destinée à l’exportation ? »

Le public rencontré était plus jeune qu'à l'accoutumé lors du débat mobile de Mâcon (Saône et Loire), marqué d’un certain ancrage local. En territoire bourguignon, plusieurs personnes issues du monde viticole ont enrichi les échanges : un vigneron a fait part de son inquiétude de l’impact potentiel du projet sur les vignobles et sur l’économie locale, évoquant la tempête qui a failli déclencher un accident nucléaire dans le Blayais et « rayer Mouton Rothschild de la carte ». Certain·es habitant·es ont émis des critiques quant à l’efficacité des énergies renouvelables, en faisant référence à un projet éolien abandonné à Pierreclos. Des personnes plus jeunes ont questionné la cohérence du projet avec les enjeux climatiques actuels.

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Sur le marché de producteurs de Roanne (Loire), l’équipe du débat a rencontré un public diversifié, en termes d’âge et de profils. La plupart des personnes ont exprimé une préférence de mix énergétique combinant énergies nucléaires et renouvelables. Les personnes favorables ou opposées au projet se sont aussi questionnées sur ses coûts.

« On en est farci sur toute la vallée du Rhône »

a exprimé l’une des 80 personnes rencontrées à l’occasion du débat mobile de Valence (Drôme), en déplorant une nouvelle implantation nucléaire au bord du Rhône. Des incidents/accidents, de la centrale de Pierrelatte / Tricastin ont régulièrement été évoqués comme arguments contre le projet. Quelques personnes ont aussi expliqué être plutôt favorables au projet car ce dernier s’implanterait sur un site déjà nucléaire, à ce titre légitime pour l’accueil de nouveaux réacteurs.

Dans la même logique, sur le marché Pont-de-Chéruy (Isère), certaines personnes interrogées ont expliqué vivre le projet comme une continuité :

« Il y a déjà 4 réacteurs, cela en fera 2 de plus et des emplois en plus ! »

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Toujours à Pont-de-Chéruy, certaines personnes ont considéré qu’il y a déjà assez d’équipements de production nucléaire au niveau local, et donc assez de risques et de pollutions annexes du Rhône. D’autres personnes ont également avoué ne pas comprendre le fonctionnement de la protection des habitant·es autour de l’actuel site du Bugey, notamment quant au périmètre de protection mis en place (PPI) et au renouvellement de la distribution de la pastille d’iode.

Les voix de cheminot·es ont été entendues lors du débat mobile près de la gare d’Ambérieu-en-Bugey (Ain). Ils et elles ont soulevé des questions de mobilité et de logistique, concernant l’usage des voies ferrées pour le transport de matériel et de personnel lié au chantier, en lien notamment avec le manque de transports en commun vers le Parc Industriel de la Plaine de l’Ain (PIPA), voisin de la centrale actuelle et du projet. Des inquiétudes de passant-es ont aussi été exprimées sur la capacité des infrastructures à accueillir de nouvel·les arrivant·es sur le territoire. Néanmoins, pour beaucoup, le projet pourrait être un levier de développement local aux niveaux de la valorisation immobilière et au dynamisme économique lié à la création d’emplois.

Lors de ces moments, dans des communes plus près du projet, une méconnaissance, une incompréhension du fonctionnement du Plan Particulier d’Intervention (PPI) et des modalités d’accès aux pastilles d’iode, est revenue à de nombreuses reprises. La potentielle indépendance énergétique à laquelle le projet permettrait d’accéder a également été mise en balance avec la dépendance d’approvisionnement en uranium.

Des nuances d’arguments similaires

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Au-delà de ces spécificités, plusieurs avis et inquiétudes des habitantes et habitants rencontrés sur les 9 communes se sont recoupés en grandes thématiques.

Les personnes favorables au projet ont régulièrement mis en avant :

  • Les bénéfices économiques du projet avec la création d’emploi
  • La nécessité d’une production énergétique stable, diversifiée et indépendante pour pouvoir répondre aux besoins d’électricité à venir
  • La réduction des gaz à effet de serre
  • L’exportation de l’électricité, vue comme un atout économique pour la France
  • Le besoin de renouvellement du parc nucléaire

Des inquiétudes de personnes contre le projet ont été exprimées :

  • La sécurité des réacteurs nucléaires, liée aux : accidents nucléaire, attentats, conflits internationaux, catastrophes naturelles dont notamment les risques sismiques
  • La gestion des déchets nucléaires, dont les risques liés à l’enfouissement. Des solutions de recyclage ont été demandées
  • Les impacts environnementaux, avec l’irréversibilité des choix énergétiques actuels
  • Le choix de l’emplacement a été questionné, notamment au regard des impacts sur le Rhône (rejets d’eau chaude, capacité du Rhône de pouvoir répondre aux besoins de refroidissements des différentes centrales et autres équipements industriels) et de la proximité de la métropole de Lyon
  • L’importance du développement des énergies renouvelables, de la sobriété et de la maîtrise de la consommation a été soulignée à de nombreuses reprises
  • Des doutes liés aux difficultés de Flamanville et à l’expérience française ont été largement cités

Des interrogations ont été régulièrement formulées, quant aux coûts et financement du projet, ainsi qu’à l’utilité du débat public, les décisions étant souvent considérées par les personnes interrogées comme étant déjà prises.

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  • Publié le
  • Date de dernière mise à jour : 17/06/2025

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