Discours de conclusion du débat public "nouveaux réacteurs nucléaires et projet Penly"

Discours de conclusion du débat public "nouveaux réacteurs nucléaires et projet Penly" par la présidente de la CNDP, Chantal Jouanno


Débat public sur le programme nouveaux réacteurs nucléaires et projet de deux réacteurs EPR2 à Penly

Discours de conclusion - lundi 27 février 2023
Seul le prononcé fait foi


 

Mesdames et Messieurs,

Nous arrivons au terme d’un débat de 4 mois qui a été pour le moins intense.

Je veux avant toute chose remercier tous les membres de la Commission particulière, de son président Michel Badré aux équipes du secrétariat général. Je peux dire que vous avez porté au plus haut votre mission de défenseurs de la démocratie participative.

Je veux également remercier les équipes des responsables de ce projet, EDF et RTE. Je sais la charge qu’un tel débat vous impose. Je sais combien il est difficile pour un responsable qui, évidemment, croit en son projet de voir ainsi son opportunité questionnée. Mais là est le cœur du débat public, mettre en débat l’opportunité de réaliser ou ne de pas réaliser un projet.

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Oui, le débat a été difficile. C’est un fait. Un fait que nous avons constaté sur la quasi-totalité des débats concernant le nucléaire.

En premier lieu, il est classique de contester la procédure du débat public. C’est une critique que nous observons sur tous les projets clivant.

D’ailleurs concrètement, que s’est-il passé ?

Le débat s’est déroulé sans problème majeur du 27 octobre au 24 janvier. Le 24 janvier, le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi d’accélération du nucléaire. Le 26 janvier la réunion de Lille a été empêchée par des opposants qui ont eu recours à des pratiques non violentes. Certains opposants ont alors considéré que le débat n’avait plus lieu d’être. Pourquoi ? Parce qu’ils affirmaient que les décisions étaient prises dans la mesure où le Sénat avait introduit des articles de loi qui actent la relance du nucléaire.

Alors, certaines personnes ont souhaité que le débat soit arrêté.

Elles ont argumenté qu’il ne servait à rien, que manifestement le public n’avait pas les compétences pour traiter un sujet aussi technique, que seuls les contestataires s’exprimaient et qu’il aurait fallu utiliser la force pour les évacuer. Il n’a jamais été question d’interrompre le débat. Il n’a jamais été question de laisser la force, quelle qu’elle soit, confisquer le débat.

Et donc, je le répète, le débat public n’a été ni interrompu, ni suspendu. En l’espèce, il n’y avait aucun fondement légal pour le faire. Et au contraire, nous avons voulu creuser un des thèmes majeurs de cette controverse : la participation du public à l’élaboration des décisions. Et pourquoi ? Car c’est notre mission, celle que nous confie la loi : promouvoir la démocratie participative ; et plus spécifiquement dans le cadre d’un débat public : faire des propositions sur les modalités d’information et de participation du public à l’élaboration des décisions.

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Fondamentalement, ce que je retiens de ce débat public, ce sont les grands moments démocratiques sur un projet majeur pour notre société.

J’en retiens que la participation au débat a été nombreuse, du jamais vu dans le champ du nucléaire. Aujourd’hui une grande majorité de personne connait l’existence des projets de nouveaux réacteurs nucléaires.

L’information a été autant que possible décortiquée. Un grand merci à l’IRSN pour ses expertises éclairantes et de grande qualité. Un grand merci à tous les participants aux clarifications des controverses ou aux débats très approfondis sur les enjeux de financement.

La participation du « grand public » a été nombreuse, très nombreuse.

On me dit que dans les réunions publiques, ce sont souvent les experts ou parties prenantes que l’on voit. C’est exact. Mais les réunions publiques ne sont qu’une des modalités des débats publics ; et j’ajouterai sans doute pas la principale. Un débat public, c’est 10 ou 12 modalités différentes de participation dont l’objectif premier est d’aller à la rencontre du grand public. Je pense aux débats mobiles sur les places publiques ; je pense aux micro-trottoirs ; je pense aux rencontres avec les lycéens et les étudiants. Je pense au panel citoyen, à la plateforme participative, à la possibilité de poser des questions sur le site, de déposer des avis ou des cahiers d’acteurs. Le grand public a pu s’exprimer et il s’est exprimé.

Je retiens de ce débat public qu’il a permis de collecter et de confronter les arguments les plus diversifiés, voire les plus opposés.

Les très « pros » et les très « antis » ont participé au débat. Jusqu’au 24 janvier, c’est-à-dire pendant les trois-quarts du débat, les « voix du nucléaire » comme le réseau « Sortir du nucléaire » a participé. C’était du jamais vu dans l’histoire du nucléaire, cette capacité à faire dialoguer des arguments opposés. Et il est fondamental que nos concitoyennes et concitoyens aient connaissances de ces arguments, qu’ils comprennent les controverses.

Dernier point, ce débat public a permis de « décortiquer » le programme nucléaire, comme le projet Penly. Il a décortiqué l’opportunité de toutes ses composantes. Il a posé des questions très précises sur des sujets aussi variés que le financement, la disponibilité des compétences, la capacité à tenir les délais ou encore les conséquences sur la gestion des déchets radioactifs. Ce sont des questions précises qui engagent notre pays, et qui naturellement exigent des réponses précises à la hauteur du débat politique.

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Car la finalité de ce débat est bien d’éclairer la Nation, au premier rang la représentation nationale, sur l’opportunité et les conditions de faisabilité de ce programme « nouveau nucléaire ». Les conclusions de ce débat public, comme de la concertation nationale sur le mix énergétique, devront être demain sur la table du Parlement pour éclairer ses choix, et notamment le vote de la loi de programmation énergie climat, la LPEC.

Vous le voyez, le choix de l’avenir énergétique de la France n’est pas, et ne peut pas être confisqué dans quelques bureaux ou par quelques experts. Il est bien sur la table du Parlement, et c’est une grande première dans notre histoire.

Pour conclure, je voudrais dire que le débat public, ça fonctionne. Dans 65% des cas, les projets sont modifiés. Et si nous sommes là, c’est justement pour faire bouger les lignes.

Chantal Jouanno,
Présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP)

 

  • Publié le 28/02/2023
  • Date de dernière mise à jour : 28/02/2023

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