Participation et environnement

Le principe de participation s’est d’abord développé au niveau international dans le domaine environnemental. Il s’est ensuite progressivement traduit par la création de nouveaux droits et de nouvelles pratiques démocratiques.

Le droit de l’environnement en France

En France, le droit de l’environnement tire ses sources des principes développés dans les conventions internationales et les textes européens.

Plusieurs grandes lois ont façonné les principes généraux du droit de l’environnement français. L’un de ces grands principes est celui de la participation du public à l’élaboration des décisions. Le principe de participation confère des droits à l’individu tout en le plaçant comme acteur du droit (puisqu’il participe à son élaboration).

Le code de l’environnement

Le droit de l’environnement français est aujourd’hui encadré par le code de l’environnement (depuis septembre 2000).

Le code de l’environnement rassemble les textes juridiques (lois, décrets et règlements) relatifs au droit de l’environnement. Sept livres définissent toutes les principes et les règles de protection de l’environnement.

Le titre II du livre 1 du code de l’environnement concerne

“l’information et la participation du public à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement.”

Il contient notamment

  • les dispositions concernant la participation du public et la Commission nationale du débat public (articles L121-1-A à L121-24),
  • l’évaluation environnementale (articles L122-1 à L122-14) et
  • l’enquête publique (articles L123-1 à L123-18).

L’ensemble de ces dispositions constitue un « processus décisionnel » sur les projets et politiques publiques impactant l’environnement.

La participation du public et la CNDP

La CNDP intervient dès le début du processus décisionnel, lorsque toutes les options sont ouvertes y compris celle de ne pas faire le projet (opportunité), ou de le faire autrement (alternative).

La CNDP garantit des procédures du code de l’environnement dont les objectifs sont doubles (art. L120-1) :

  • élaborer des décisions publiques plus compatibles avec la préservation de l’environnement ;
  • permettre à toute personne l’exercice du droit de participer à la décision.

La CNDP garantit le continuum de la participation jusqu’à l’enquête publique.

Pour aller plus loin :

L’évaluation environnementale

Conformément au droit européen, le code de l’environnement prévoit (à l’article L122-1 et suivants) que les études d’impacts environnementaux de certains projets et politiques publiques (« rapport environnemental ») sont évaluées par une autorité compétente qui rend public son avis.

Cette évaluation environnementale vise à améliorer l’information du public sur les impacts environnementaux du projet (ou de la politique publique) afin de faciliter sa participation au processus décisionnel. L’évaluation environnementale intervient après la participation amont, une fois que les caractéristiques principales du projet sont définies.

La loi encadre les projets et politiques publiques soumis à évaluation environnementale. Ces projets ou politiques publiques entrent dans le champ d’intervention de la CNDP.

La fonction d'Autorité environnementale est exercée en France par l'Autorité environnementale du CGEDD ou par les missions régionales d'Autorité environnementale. Elle ne se prononce pas sur l’opportunité du projet mais sur la qualité de l’étude d’impact et sur la prise en compte de l’environnement.

Enquête publique

En 1983, la loi relative à la démocratisation de l’enquête publique et à la protection de l’environnement, dite « Loi Bouchardeau », a transformé la procédure d’enquête publique. Elle est depuis un dispositif visant à favoriser l’information du public et recueillir ses remarques pour éclairer l’autorité compétente pour la décision d’autorisation. Elle est inscrite dans le code de l’environnement.  

Le code de l’environnement prévoit les projets, plans et programmes qui doivent faire l’objet d’une enquête publique. Sauf exceptions, on compte parmi ces projets, plans et programmes ceux qui sont soumis à évaluation environnementale.

Conduite par un commissaire-enquêteur indépendant désigné par le président du Tribunal administratif, l’enquête publique est aussi une procédure ouverte à toute personne. A l’issue de la procédure d’enquête publique, le commissaire-enquêteur rédige un rapport d’enquête et formule un avis favorable ou défavorable. Si l’avis est favorable, le Préfet délivre la déclaration d’utilité publique du projet.

En savoir plus : Consulter le site de la Compagnie nationale des commissaires enquêteurs

Les grandes étapes vers le droit de la participation dans le champ environnemental

Un certain nombre de textes marquent de grandes étapes dans l’histoire de la participation publique en matière environnementale.

Ces étapes illustrent comment, à partir du domaine environnemental, un principe démocratique s’est progressivement traduit en droit individuel et procédural.

1992 La Déclaration de Rio

La Déclaration de Rio a été adoptée le 10 juin 1992, à l’issue de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement (Sommet « Planète Terre ») qui s’est tenue au Brésil à Rio de Janeiro.  Il s’agit d’un texte pionnier dans l’affirmation d’un certain nombre de principes constituant la « démocratie environnementale ».

Le principe 10 dispose que « La meilleure façon de traiter les questions d'environnement est d'assurer la participation de tous les citoyens concernés, au niveau qui convient ». En effet il s’agit du premier texte à affirmer la nécessité de partager largement les décisions ayant un impact sur l’environnement en formulant un principe de participation du public. Ce principe de participation s’accompagne de la nécessité pour le public de pouvoir accéder à l’information relative à l’environnement ainsi qu’aux actions de justice.

La Déclaration de Rio n’est toutefois pas un texte juridiquement contraignant.

1995 Loi Barnier

La Loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite Loi Barnier , fait entrer le principe de participation du public à l’élaboration des grands projets d’intérêt national dans la législation française.

En 1993, Michel Barnier, alors ministre de l’environnement, demande la réalisation d’une évaluation de la mise en œuvre de la loi Bouchardeau. Une grande partie de la loi de 1995 reprendra les propositions de ce rapport d’évaluation et renforcera les pouvoirs du commissaire enquêteur et le rôle de l’enquête publique.

Constatant toutefois que l’enquête publique arrive trop tard, une participation du public plus en amont est organisée. La loi prévoit la création d’une institution chargée d’organiser des débats publics sur « les objectifs et les caractéristiques principales des projets, pendant la phase de leur élaboration », la Commission nationale du débat public (CNDP).

Le droit à la participation n'apparaît cependant pas encore : comme dans la Déclaration de Rio, la participation n’est alors mentionnée que comme principe qui ouvre le droit d’accéder aux informations relatives à l'environnement (article 1er).

La CNDP ne sera réellement créée que le 4 septembre 1997.

1998 La Convention d’Aarhus

La convention d’Aarhus vise à développer les objectifs piliers de la « démocratie environnementale » : 

  • améliorer l’information environnementale, 
  • favoriser la participation du public, et 
  • étendre les conditions d’accès à la justice. 

Elle constitue une étape décisive dans l’évolution du principe de participation aux décisions environnementales à double titre :

  • le texte lie pleinement les États parties (contrairement à la déclaration de Rio dépourvue de force contraignante) ;
  • le texte décline le principe de participation en un droit individuel et procédural devant être garanti à toute personne.

Qu’est-ce que la convention d’Aarhus ?

La convention d’Aarhus  a été élaborée dans le cadre de la Commission économique des nations unies pour l’Europe (UNECE), et fut signée le 25 juin 1998 par trente-neuf États. L’Union européenne est signataire à la convention d’Aarhus. La convention est un traité juridiquement contraignant.

Elle confère le droit au public (les personnes physiques et les associations qui les représentent) d’accéder à l’information et de participer au processus décisionnel en matière d’environnement, ainsi que d’exiger réparation si ces droits ne sont pas respectés.

Le développement de ces droits a pour principal objectif de contribuer à la protection des droits individuels et à leur développement, ainsi qu’à la protection des générations présentes et futures, et à leur droit de vivre dans un environnement sain.

La convention d’Aarhus prévoit notamment que :

  • La participation du public s’exerce le plus en amont possible. Elle doit pouvoir intervenir au tout début de la vie du projet ou de la politique publique « lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence » sur la décision ;
  • Les résultats de la participation du public doivent être « dûment pris en considération » dans la décision. L’autorité décisionnaire doit ainsi motiver sa décision en fonction des contributions du public. Le public est informé de cette décision « assorti des motifs et considérations sur lesquels ladite décision est fondée ». Poussant l’autorité décisionnaire à justifier ses choix, les notions de « prise en considération » et de reddition des comptes viennent renforcer l’obligation de respect de la participation du public ;
  • La convention prévoit que le public peut accéder à la justice lorsqu’il se juge lésé dans ses droits relatifs à l’accès à l’information. Un accès à la justice est également garanti dans le cas d’une violation de la procédure de participation prévue par la convention.

2002 Loi démocratie de proximité dite « loi Vaillant »

La loi relative à la démocratie de proximité du 27 février 2002, dite « loi Vaillant »  adoptée peu de temps après la convention Aarhus, constitue une avancée majeure en matière de participation du public en développant le rôle de la Commission nationale du débat public qui devient une autorité administrative indépendante.

La loi démocratie de proximité contient également un volet relatif à la mise en place de la démocratie locale, notamment avec la création des conseils de quartier.

2005 La Charte de l’environnement

La Charte de l’environnement (consulter le texte législatif) est composée de dix articles qui consacrent un certain nombre de principes comme le principe de précaution ou le principe pollueur payeur.

Dans ce texte, et dans le prolongement de la convention d’Aarhus, le principe de participation du public mute en un droit individuel reconnu à toute personne.

Dotée de pleine valeur constitutionnelle depuis 2005, elle constitue désormais le fondement du droit en matière de participation du public aux décisions impactant l’environnement.

L’article 7

L’article 7 de la Charte dispose que : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ».

Les différentes dispositions de mise en œuvre de ce droit sont pour l’essentiel présentes au Titre II du Livre 1er du code de l’environnement.

Les ordonnances de 2016

L'ordonnance (n° 2016-1060) du 3 août 2016 - portant réforme des procédures destinées à assurer “l'information et la participation du public à l'élaboration de certaines décisions susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement, dite de réforme du dialogue environnemental” - a réformé les procédures de participation du public et élargit considérablement le champ de compétence de la CNDP.

Elle a été ratifiée conjointement à une autre ordonnance relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes en juin 2017.

Les prérogatives de la CNDP sont renforcées notamment sur les points suivants : 

  • Les plans et programmes de niveau national soumis à évaluation environnementale entrent dans le champ de la CNDP ; 
  • Le gouvernement peut saisir la CNDP pour un projet de réforme d’une politique publique ;
  • Un droit d’initiative citoyenne est créé ;
  • La CNDP a en charge une liste nationale de garants et elle a la possibilité de désigner des délégués régionaux ;
  • Afin d’assurer le continuum de la participation jusqu’à l’enquête publique, la procédure de désignation d’un garant par la CNDP après un débat public ou une concertation est généralisée ;
  • La CNDP a la possibilité d’organiser une conciliation sur des projets conflictuels entre les parties concernées. 

Vers une nouvelle ambition pour la démocratie environnementale ?

Le droit de l’environnement a joué un rôle majeur dans l’évolution et la transcription juridique du principe de démocratie participative.

Conscient de cette évolution démocratique et à la lumière de l’expérience de sa pratique, le bureau de la CNDP a formulé quelques propositions afin d’alimenter le débat pour franchir une nouvelle étape dans la progression et l’effectivité de ces droits.

  • Publié le 31/03/2021
  • Date de dernière mise à jour : 10/06/2021

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