Retour sur l’atelier de controverses « Agrivoltaïsme : quel avenir ? »

Qu'est-ce que l'agrivoltaïsme ? Comment ça marche ? A quel besoin agricole répond-il ? Quelles productions sont concernées ? Tous les sols sont-ils favorables à l'agrivoltaïsme ? Voici les questions auxquelles ont tenté de répondre deux expert.e.s dans le cadre de l’atelier de controverses organisé en partenariat avec Sud Ouest et diffusé jeudi 2 décembre à Cap Sciences à Bordeaux.

’atelier de controverses « Agrivoltaïsme : quel avenir ? »

Cécile Maghérini, Directrice Générale déléguée de Sun’Agri et Hervé Georges, membre de la Confédération Paysanne, ont participé à cet atelier de controverses animé par Laetitia Langella, journaliste de Sud Ouest. La Commission particulière du débat public était représentée par son Président, Jacques Archimbaud.

Une trentaine de personnes étaient présentes à la diffusion publique organisée par la Commission et ont pu prolonger les échanges autour de ces thématiques durant 1h15. Vous trouverez, ci-après, le compte-rendu de cet échange.

Trois autres ateliers de controverses ont été auparavant organisés, en partenariat avec Sud Ouest, dans le cadre du débat public :

 Ces ateliers de controverses sont à revoir sur le site du débat, sur SudOuest.fr et sur les réseaux sociaux.

Ces ateliers de controverses ne traitent pas directement du projet "Horizeo" mais ils permettent au public de s'approprier les grands enjeux soulevés par le projet.
 

Lors de la discussion, non filmée, qui a suivi la diffusion publique de ce débat, plusieurs intervenants sont revenus sur la brique agrivoltaïsme du projet « Horizeo » et ont pointé des « imprécisions » et un certain « flou ». « On sent que cette brique agrivoltaïsme du projet n’est pas mature, on a très peu d’informations » a ainsi souligné une intervenante avant de s’interroger sur la nature des synergies entre les briques du projet et sur la possibilité de maintenir cette brique agrivoltaïsme sans la chaleur fatale du data center ou l’eau non utilisée par l’électrolyseur. Le maître d’ouvrage, qui avait été invité à cette discussion, n’était pas représenté.

La discussion s’est ensuite poursuivie sur le bilan carbone du projet dans sa globalité, et sur le bilan carbone de l’agrivoltaïsme en particulier.

Des serres « alibis » ?

A propos de l’agrivoltaïsme, le représentant de la Chambre d’Agriculture de la Gironde a évoqué « des déconvenues » intervenues en Gironde par le passé, citant l’exemple d’une serre équipée de panneaux solaires mise en place et d’un projet finalement abandonné car la photosynthèse était trop faible. Sur ce dernier point, la représentante de Sun’Agri a reconnu que les retours d’expériences sur les serres étaient souvent négatifs (lumière insuffisante et technologie de panneaux fixes). Elle a également évoqué des serres « alibis » qui ont pu contribuer à « décrédibiliser » l’agrivoltaïsme. Elle a comparé ces serres « alibis » aux très grands hangars agricoles vides équipés de panneaux solaires. 

L’enjeu foncier

Une grande partie de la discussion a porté sur la déstabilisation du prix du foncier et la spéculation. Une problématique observée sur les terrains forestiers mais aussi agricoles. « Une disproportion qui pose problème » comme l’a souligné une viticultrice. Hervé Georges de la Confédération Paysanne a particulièrement insisté sur les conséquences possibles de cette inflation foncière. Quel intérêt pour un agriculteur de continuer à faire son métier et de nourrir la population s’il devient plus profitable de produire de l’énergie ? « Les terres agricoles sont attaquées de tous les côtés, alors que nous allons avoir besoin de plus de terres pour répondre aux besoins de la population. »

Hervé Georges a également mis en garde contre la tentation de récupérer des surfaces agricoles destinée à l’élevage (qui pourraient être à l’avenir moins nombreuses compte-tenu de la diminution de la consommation de viande) pour y installer des centrales solaires. Selon lui, avec ce type de raisonnement « on va tuer l’agriculture paysanne et favoriser l’agriculture industrielle ».

Plusieurs intervenants ont rappelé qu’ils souhaitaient d’abord que les surfaces artificialisées et les toitures soient équipées en panneaux solaires avant d’utiliser des surfaces agricoles ou forestières.

Le sujet de la qualité des terres agricoles et de leur compatibilité avec la production électrique a été évoqué. Cécile Maghérini a rappelé que la déprise agricole pouvait s’organiser et qu’il fallait donc être prudent sur les affirmations concernant la valeur agricole des sols.

Boisements compensateurs et surfaces agricoles utiles

Le représentant de la Chambre d’Agriculture de la Gironde a indiqué que les élu.e.s de la chambre n’avaient pas encore de position tranchée sur le projet « Horizeo » mais que la chambre serait particulièrement vigilante. Elle veillera notamment à ce que, en cas de réalisation du projet, les boisements compensateurs ne viennent pas impacter les surfaces agricoles utiles du territoire.  

Le besoin, à la fois, de dialogue entre acteurs de l’agrivoltaïsme et monde paysan, mais aussi de projets construits avec les territoires

Plusieurs intervenants ont proposé d’établir un dialogue continu entre agriculteurs et acteurs de l’agrivoltaïsme. La représentante de la LPO a notamment évoqué la nécessité de construire des projets agrivoltaïques co-construits avec les territoires et générant des retombées concrètes. Un autre intervenant a insisté sur la nécessité « d’en finir avec l’agrivoltaïsme alibi pour construire des projets ancrés dans les territoires ». D’autres ont interrogé l’intérêt de l’agrivoltaïsme et ses conséquences sur le travail des agriculteurs. Quelle plus-value de l’agrivoltaïsme pour les paysans ? Une technologie qui libère ? Qui ajoute ? Qui complique ?

Hervé Georges a finalement souligné la difficulté à impliquer des agriculteurs dans le projet « Horizeo » si un système de sous location était envisagé par les maîtres d’ouvrage. Cécile Maghérini a indiqué que Sun’Agri avait fait le choix de ne pas mettre en place de loyer, mais de fonctionner sous la forme d’un « échange de services ». Elle a également indiqué que l’agrivoltaïsme limitait l’évapostranspiration et qu’il pouvait donc avoir des avantages pour les agriculteurs notamment sur la consommation de l’eau, évoquant une réduction du besoin en eau de l’ordre de 10 à 15%.

Cécile Maghérini de Sun’Agri a conclu les échanges en rappelant que l’agrivoltaïsme ne fonctionnait, selon elle, que si les panneaux étaient mobiles. Sans cette technologie « on dégrade la photosynthèse ». Elle a expliqué que la conception de Sun’Agri n’était pas le « co-usage » ou la « co-habitation » dans laquelle on accepterait une dégradation de la qualité de la production agricole ou une baisse du rendement agricole. Mais qu’il s’agissait bien de mettre le photovoltaïque au service de la culture agricole.

  • Publié le 04/12/2021
  • Date de dernière mise à jour : 09/12/2021

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